Consanguinité et réduction de la fertilité

Paru le 15/03/2003
Rédigé par Nathalie DUMONT

CONSANGUINITE ET REDUCTION DE LA FERTILITE CHEZ LE CHEVAL FRISON, AVEC REMARQUES SUR LE CHEVAL DE PRZEWALSKI
( D’après les Maladies héréditaires et génétiques du Cheval de Przewalski : Débats de la Conférence d’étude de Arhem 1978)

W.van der Holst
Département d’Insémination Artificielle et fertilité du mâle, Faculté Vétérinaire, Université d’Utrecht, Université-Centre « De Uithof », Yalelaan 7, Utrecht.

Introduction :
Le programme de recherche effectué par nos soins, concerne les Chevaux Frisons de Hollande. Ces chevaux ont été élevés en race pure depuis une centaine d’années et aucun autre sang frais n’y a été introduit. Cette race a toujours joué un rôle important dans l’agriculture et par conséquent est référencé comme cheval de ferme.
Dans les années 1950 et 1960, l’élevage a souffert de l’augmentation de la mécanisation dans les fermes, ce qui a causé une sérieuse chute dans les statistiques d’élevage. Durant la période de crise, la direction du Stud-Book a mis plus l’accent sur la quantité que sur la qualité des chevaux, en faisant leur sélection d’élevage. Deux facteurs, par conséquent, ont principalement créé les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui , à savoir la mécanisation qui a mené beaucoup de chevaux de lignées anciennes à l’abattoir, et l’absence de politique stricte en matière de défauts héréditaires.
Lorsque que le Stud-Book fut menacé de plusieurs revers dans les années 70, une tentative fut faite, avec l’aide financière du gouvernement, d’apporter autant de juments possible à l’ élevage avec l’utilisation de l’insémination artificielle. Ce fut l’utilisation de l’insémination artificielle qui mena à la découverte des problèmes d’élevage des juments et des étalons et l’inventaire de ceux-ci fut établi.

PROBLEMES DES CHEVAUX FRISONS :
Les plus importants problèmes d’un point de vue vétérinaire, viennent généralement de la construction et du mouvement de l’articulation du grasset.

A.PROBLEMES D’ELEVAGE :

Les recherches statistiques couvrant la dernière décennie et en comparaison avec d’autres races montrent que le pourcentage de naissances est de 48%, étant de 11% moins élevé que la moyenne des autres races. Ces pourcentages varient autour d’une moyenne fixe, mais sont clairement inférieurs aux autres races des Pays Bas. La question étant de savoir ce qui en est la cause. Pour trouver une réponse, mâles et femelles ont été examinés séparément.

PROBLEMES CHEZ LES MALES :

Depuis 1972, il est obligatoire pour les jeunes étalons (2 ans, 2 ans1/2) de passer un examen de sperme avant d’être admis dans le Stud-Book. Durant la période de 1972 à 1977, 22 étalons furent examinés, 10 d’entre eux avaient du sperme de pauvre ou mauvaise qualité. Ce fut significatif du taux élevé de consanguinité de ces étalons disqualifiés, la moyenne fut de 0.332. Le chiffre pour le groupe des étalons approuvés était de 0.212.
La sélection sur la qualité de la semence et sur le degré de consanguinité n’a pas manqué de produire des résultats en 1978 et 1979. Dans ces années, 40 jeunes étalons furent examinés avec une moyenne de taux de consanguinité de 0.204. Seuls 8 étalons furent disqualifiés maintenant sur le compte de leur mauvaise semence et le pourcentage de consanguinité de ces étalons était de 0.288, bien plus élevé que la moyenne.
Un autre problème en outre est l’existence de cryptorchidie, soit d’un ou des deux côtés. Des recherches durant les 5 dernières années ont révélé que , sur la moyenne, 50% des étalons de 2 ans ½ jusqu’à un certain point déviait de la normale. Cette anomalie fut trouvée sensiblement plus souvent chez des étalons ayant un fort taux de consanguinité. Nous avons aussi noté que certaines combinaisons de sang accroissaient le risque d’anomalie de 35% par comparaison aux autres combinaisons. Etroitement lié à cela est l’apparition d’aplasie et d’hypoplasie de parties des organes sexuels des étalons. Dans une douzaine de cas, cette anomalie fut trouvée sur l’épididyme et/ou sur le testicule et sur les vésicules séminales. La moyenne du taux de consanguinité de ce groupe était de 0.278.
Pour récapituler, il se pourrait bien que la fréquence des problèmes de fertilité chez les étalons augmente quand le taux de consanguinité est élevé (spécialement parce que les recherches ont été faites en comparaison avec d’autres races Hollandaises). Nous croyons qu’il y a une preuve à la base génétique de ces problèmes.

PROBLEMES CHEZ LES FEMELLES :

Un grand nombre de juments (35%) ont une rétention placentaire de plus de 6 heures. Ce problème cause une perturbation de l’involution de l’utérus qui réduit grandement les chances de grossesse pour la saison. Ainsi, ces quelques dernières années le nombre de juments qui produisent un poulain tous les ans augmente. Les calculs initiaux mènent à la conclusion que plus proches sont les parents, plus fréquemment les problèmes apparaissent. Il pourrait y avoir des causes immunitaires ; néanmoins, des investigations dans ce domaine sont encore en cours.
Un grand nombre de juments ne montrent aucun signe de chaleurs. La palpation rectale révèle beaucoup d’ovaires sous-développés. Comme pour les étalons cryptorchides, certaines combinaisons de lignées apparaissent prédisposées à ce défaut, montrant un accroissement de la probabilité d’apparition de 30%. A cause du caractère irrévocable de cette anormalité, heureusement celui-ci n’est pas hérité par les animaux affectés, néanmoins ce trait est répandu par les juments fertiles de combinaisons mentionnées.

B.CORRECTION DE CONFORMATION ET DU MOUVEMENT DE L’ARTICULATION DU GRASSET.

Ces problèmes sont à présent trouvés chez la plupart des races de chevaux. Comme des priorités doivent être établies, le Stud-book du Cheval Frison a décidé de se concentrer sur la fertilité en premier. Néanmoins, les animaux montrant des signes cliniques de défauts de mouvements sont exclus de l’élevage.

SUGGESTIONS POUR UN PROGRAMME D’ELEVAGE DU CHEVAL FRISON :

Des désordres variés sont probablement causés par la consanguinité. La race n’est pas assez prolifique et durant un siècle d’élevage quelques étalons ont eu une influence dominante qui a donné une base d’élevage très étroite et ainsi, de la consanguinité.
Au moyen d’un programme réfléchi de sélection, une tentative doit être faite pour améliorer le cheval frison en regard des points faibles mentionnés ci-dessus, en même temps que de préserver et de renforcer les qualités caractéristiques de ce cheval, telles que sa sobriété, sa docilité, sa bonne volonté, ses allures, la couleur noire, etc.…qui le rendent si convenable comme cheval de trait. Le programme d’élevage suggéré est une sélection guidée sur la base d’une participation volontaire. Comme la participation dans cet arrangement risque d’induire des frais annexes, une assistance financière devra être donnée aux éleveurs afin de d’être sûr de leur enthousiasme suffisant pour ce projet. Le projet vise à améliorer le cheptel par une sélection d’élevage stricte et visée. La priorité sera donnée à l’élevage d’étalons.
En admettant que 800 juments soient disponibles. Afin de garder la consanguinité basse, quelques 20 étalons devront être gardés, même si ce nombre est trop grand pour un élevage rentable. La durée de vie moyenne d’un étalon est estimée à 8 ans, ce qui veut dire que tous les ans 2 ou 3 nouveaux étalons seront nécessaires au remplacement. Afin de permettre une stricte sélection huit fois, ce nombre de poulains sera nécessaire, donc 8 x 2 ½ =20. En tenant compte que la moitié des poulains nés sont des mâles et que à peu près 70% des accouplements résultent dans une naissance de poulain vivant ( ceci vaut , si les juments sont auparavant sélectionnées pour leur fertilité), tous les ans 2x20x10/7
60 juments doivent être saillies pour fournir ce supplément de poulains. C’est 7.5% de juments disponibles.
Le premier pas de cet objectif d’élevage est la sélection de ces 60 candidates mères. Cette sélection devra être réalisée selon les critères suivants :
    - Fertilité de la jument elle-même, elle doit avoir été utilisée pendant 2 ans déjà et le pourcentage de     poulains doit être au moins de 50% ; elle ne doit pas avoir eu de rétention placentaire.
    - Fertilité de la lignée maternelle
    - Caractère (docilité et bonne volonté)
    - Extérieur, spécialement la qualité des membres

Ces futures-mères peuvent être choisies par le secrétariat du Stud-Book et les Inspecteurs, présélectionnant pour l’instant environ 80 animaux sur papiers. Après un examen précis de ces juments, 60 seront retenues. Si la durée de vie en élevage est estimée à 6 ou 7 ans, ensuite environ 9 juments doivent être remplacées tous les ans par de plus jeunes. Dans ce but, environ 15 juments choisies sur une base statistique devront être examinées annuellement. De cette façon, cette souche est plutôt dynamique ;
La deuxième étape du plan d’élevage consiste en des accouplements recommandés pour les mères candidates. Le Stud-Book sélectionne 2 ou 3 étalons d’une lignée de sang adéquate (en évitant la consanguinité) pour chaque candidate mère. Seulement si l’éleveur suit ce conseil ( et remplit certaines autres conditions) il recevra l’aide pour faire face aux dépenses rencontrées. C’est parce que le choix des étalons est restrictif que l’éleveur aura des dépenses de transport annexes et de pensions, ou bien il devra faire appel à l’insémination artificielle. Une assistance vétérinaire supplémentaire sera nécessaire aussi( examen et exploration vaginale)
Les étalons sélectionnés pour les accouplements recommandés sont choisis en dehors des 20 étalons sur la base de la fertilité, conformation, docilité et caractéristiques héréditaires (spécialement la forme et l’action des membres et le caractère). Cela signifie qu’à terme les poulains d’une saison de ces étalons doivent déjà être nés et jugés, afin que les étalons recommandés soit âgés de 5 ans et plus. Ce groupe de pères étalons doit dénombrer 10 individus et un ou deux doivent être remplacés chaque année. Ces 10 étalons doivent être utilisés également intensivement pour les accouplements recommandés , afin que chaque étalon totalise 6 accouplements recommandés annuellement .
Les poulains nés de ces accouplements recommandés sont en règle générale destinés à l’élevage. Afin d’être admissibles pour les aides, les propriétaires des juments sont obligés de garder les poulains et de les montrer aux juges. Si les poulains sont approuvés par les juges, ils doivent être élevés. De façon à stimuler cela, le propriétaire/éleveur recevra une assistance financière et sera obligé d’accepter tout conseil en matière d’alimentation et de soin (par exemple parage, soins vétérinaires). En plus, les poulains seront sujets à un programme de sélection.
Généralement, le projet suivant pourrait être suivi :
 - 20 poulains nés (dans ce groupe de juments, le pourcentage de poulains sera plus élevé que la moyenne de la race)
 - 16 poulains à garder après jugement
 12 yearlings à garder après jugement de cette catégorie
 - 6 deux ans à garder après jugement et examen central vétérinaire
 - 2 ou 3 étalons de 3 ans à juger pour l’élevage
Les 12 étalons de 2 ans ½ doivent être soumis à un examen vétérinaire central à Utrecht, se tenant plusieurs semaines durant lesquelles un rapport vétérinaire (incluant le comptage des spermatozoïdes et les anomalies possibles) et un rapport à l’écurie seront effectués.

SIMILITUDES DANS L’ELEVAGE DU FRISON ET LE CHEVAL DE PRZEWALSKI
Il y a un nombre remarquable de similitudes entre l’élevage du Frison et le Cheval de Przewalski, comme indiqué ci-dessous. Le cheval de Przewalski vit seulement en groupes dans des zoos. Pendant plusieurs années, les même combinaisons d’étalons et de juments furent utilisées pour l’élevage. Les coefficients de consanguinité des parents en relations furent souvent déjà trop élevés, avec comme résultat un accroissement de la consanguinité au plus haut point. Aucune attention ne fut portée sur l’effet que cela aurait pu avoir sur la vitalité de la descendance ; mais maintenant les problèmes se sont aggravés, tels que désordres de la fertilité chez les juments et étalons et paralysies de l’arrière-main.
Les chevaux Frisons ont été élevés pendant 25 ans à l’intérieur du même territoire avec 4 associations d’éleveurs en Friesland.
A l’intérieur de celles-ci, il y avait 1 ou 2 propriétaires d’étalons. L’échange d’étalons s’est produit souvent seulement après 4 ou 5 ans, de sorte que les accouplements « père-fille » ont souvent eu lieu. La situation a été améliorée durant les quelques dernières années, en partie à cause des désordres multiples répertoriés, qui pouvaient montrer une baisse de la consanguinité. Ces désordres sont la cryptorchidie, la monorchidie, les perturbations de l’ovulation, l’aplasie et l’hypoplasie des ovaires, des testicules et autres glandes sexuelles. Des anomalies de mouvements de l’arrière-main sont souvent vues et là où les frisons sont concernés, il y a une tendance à attribuer cela aux anomalies du grasset. Le dernier désordre pourrait bien progresser parce que pendant une dizaine d’années, il n’y a eu aucune sélection contre cela. Le cheval Frison est passé au travers de très mauvaises périodes pendant les années 60. Des épreuves pour des étalons et juments, attelés à des charrettes, qui furent négligés et les juments n’ont plus été utilisées sur la ferme. Cette sorte de travail servait de sélection pour la propulsion de l’arrière-main. Par l’élevage de tels animaux, les problèmes se sont rapidement étendus à toute la population.

QUELQUES CONSEILS ET SUGGESTIONS

Sous les circonstances actuelles, la santé est primordiale pour les groupes de chevaux d’élevage de Przewalski. Aux vues de notre propre expérience avec les juments frisonnes, la méthode proposée par H. Wiersner et H. Bostedt (ce volume) ne semble pas être conseillée. Nous pensons que les disfonctionnements qu’ils ont traité médicalement disparaîtront sur les filles mères. Un régime conseillé avec un maximum de Vit E et de SE semble être valable. Les juments qui n’ont pas réagi à cela et continuent à avoir des troubles ovariens ne conviennent pas pour l’élevage. Des inflammations de l’utérus peuvent aussi occasionner des troubles ovariens ; ces animaux après traitement peuvent être utilisés.
Après immobilisation les étalons peuvent être examinés à la fois pour des anomalies internes et externes . Les mouvements de l’arrière-main peuvent être enregistrés sur vidéo à grande vitesse et repassés à vitesse normale, permettant une analyse biomécanique. A notre avis, l’articulation du grasset de certains chevaux n’est pas normale. Ainsi , il est conseillé si un cheval de Przewalski doit être immobilisé d’utiliser l’opportunité d’effectuer des clichés radios des grassets .
Certaines personnes plaident déjà pour un examen uniforme post mortem. Au vu des gonades, il est important de noter leur poids et leur tailles et spécialement la saison à laquelle la dissection aura lieu (le cheval est un animal saisonnier). L’état des testicules est important, autant que les épididymes (indicateurs de l’activité du testicule). L’examen de sections histologiques (aussi post mortem ) des ovaires, des testicules et des épididymes est important dans la connexion avec les pronostiques de fertilité. Avec des poulains , il est important de localiser les deux testicules (en fonction de l’âge de l’animal) pour l’examen sans négliger la cryptorchidie.

Référence : HOLST, W.van der (1980) Stérilité et fertilité chez le cheval frison . Thèse, Université d’Utrecht (En presse)

DISCUSSION :

RYDER : Au lieu d’échanger des étalons, il serait plus facile de transporter de la semence congelée. La technique de l’insémination et spécialement la détermination du bon moment pour inséminer pourrait être un problème. Il est important de pousser les recherches dans la possibilité de déterminer le temps d’ovulation sans avoir à immobiliser la jument.
I.BOUMAN : En Askania Nova et Pologne, ils ont eu certaines expériences infructueuses avec l’insémination artificielle sur le cheval de Przewalski.
V.d.HOLST : Le principal soucis n’est pas l’insémination artificielle de la jument (aux USA, ceci se pratique avec succès par les propriétaires des juments eux-mêmes), mais plutôt la collecte du sperme des étalons. L’électro-éjaculation est possible mais on trouve toujours une qualité très pauvre de semence. En réponse à la question de D.Ashton, les caractéristiques suivantes peuvent être données concernant les défauts , trouvés dans le grasset :
Il y a trop d’espace entre la rotule et la trochlée, résultant dans la perte de fragments de cartilage de l’articulation . Parfois on trouve un écrasement de la rotule. Le résultat anormal du mouvement des postérieurs peut aussi être causé par le manque de condition physique, comme trouvé chez les un et deux ans. L’héritabilité de ce défaut du grasset chez les chevaux de sang hollandais a été prouvé par H.Bos de l’Université d’Utrecht.

Pour plus d’informations sur les anomalies héréditaires du cheval, vous pouvez vous procurer ce petit ouvrage :
Les anomalies héréditaires chez le cheval, par F. Quesnel, avec la collaboration de E. Rossier, B. Langlois (Collection CEREOPA)


                                                                                                                Nathalie DUMONT